Der 49
J'ai quitté Düsseldorf le 30 septembre 2024, la première ville où j'ai mis les pieds le 30 juin 2022. C'est ici que mon aventure a commencé, dans ma petite chambre au sous-sol sur Ohligserstraße. Maudit que ça me tentait pas de m'en aller d'ici. Comment ça, ça doit se terminer ! Il faut savoir que j'ai écrit cet article six mois plus tard et je me souviens de tout ce que j'y décrit comme si ça venait juste de se passer. J'ai même pas écrit du tout pendant que j'étais au Québec. J'avais pas d'inspiration. Je devais quitter le 1 octobre, tout juste la veille de mon vol matinal. Mon plan initial d'aller directement juste dormir et pleurer dans des beaux draps blancs et frais au Ibis budget de l'aéroport Charles-de-Gaulle est tombé à l'eau quand mon Eurostar réservé depuis le mois de mai a été annulé. J'ai donc du quitter une journée plus tôt. J'avais tellement pas envie d'aller passer le temps à Paris. Tant qu'à ça, j'ai juste envie d'être rendue au Québec tout de suite.
J'ai fait tout le nécessaire pour terminer ma vie ici. Terminé, le Rundfunkbeitrag, les assurances, le contrat d'électricité, mon bail de logement, le forfait de cellulaire, la location chez Beehive. J'ai l'impression que ça fait deux semaines que je déménage. Pis je serai retenue encore pendant 48 heures à Paris, émotive et encombrée de plus de 60 kg de bagages. Sans compter le temps que ça va prendre encore avant d'arriver chez moi. J'aime mieux ne pas y penser.
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Moi et toutes mes possessions.
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Ma toute dernière marche sur la promenade du Rhein à Düsseldorf, sous une petite pluie pas désagréable.
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Photo prise quand j'ai emprunté la dernière fois le chemin vers le bureau.
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Dernière journée au travail. |
Pour ma dernière soirée, je n'avais qu'un plan qui était important. Celui de passer les dernières heures avec Buğra et de profiter des derniers moments avec ce gars là (oui oui, celui que je n'ai jamais présenté dans ce blog mais qui méritait 100 x plus d'attention que toutes les autres histoires de dating racontées ici). J'avais pas envie vraiment d'avoir d'autre compagnie. J'aurais plus été du genre à vouloir être seule pour ce moment là, mais lui il était vraiment le bienvenu. J'ai rencontré sa nouvelle colocataire, Celina, qui vient de la Bavière. Elle a obtenu un emploi à Düsseldorf chez Douglas (la chanceuse!!). J'ai donné à Buğra et Celina les restants de mon frigo et de mon garde-manger. Celina est aussi repartie avec un ou deux sacs de vêtements que je ne rapporterai pas au Québec. Elle était aussi intéressée par l'achat de mon vélo, mais pour moi, c'était un gros morceau de me départir de mon vélo. C'était la première chose que j'avais acquis quand je me suis installée pour de bon à Düsseldorf. Je lui ai finalement vendu le matin de mon départ, à contrecœur. On aurait dit que le fait de le vendre me retirait mon tout dernier élément qui signifie un peu de stabilité en Allemagne. Comme si ça allait couper définitivement tout lien que j'ai avec ma vie là-bas. C'était pas rationnel, mais desfois je suis pas rationnelle et je l'assume. J'espère que mon vélo fait désormais des kilomètres dans Pempelfort et les environs.
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La fenêtre du salon, qui s'ouvre grand vers l'intérieur et sur laquelle je m'assoyais par de belles soirées chaudes, avec des chandelles et du vin.
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Ma toute petite salle de bain, avec ma toilette en diagonale. Pas besoin de plus, mais c'est pas dans cette pièce de 2 mètres carrés que je me faisais de longs rituels beauté.
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La vue de la cuisine à partir du salon, avec mes deux beaux grands tapis à motifs.
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Ma chambre, tout simplement un lit, une commode et une table de chevet déposés sur une construction en bois juste au dessus du salon. |
J'avais rencontré Buğra vers la fin du mois d'avril. Sur l'app, j'avais trouvé son prénom original et exotique. Un jeune ingénieur mécanique de 31 ans originaire de la ville de Izmir, en Turquie et qui habite maintenant à deux rues de la mienne. Shame, de ne pas l'avoir rencontré avant, genre à l'épicerie du coin. On s'était donné rendez-vous en face du Schloss Jägerhof pour aller pique-niquer dans le parc près des Three Little Birds. Il est arrivé avec une chemise rose et son gros sac IKEA bleu pour traîner notre stock de pique-nique. Ma première impression était plutôt neutre, je n'en ai pas pensé grand chose et j'ai attendu que la conversation se place. Les échanges n'étaient pas à sens-unique, je l'ai senti à l'écoute. Je l'ai trouvé uuuuultra cute quand j'ai constaté qu'il avait préparé des carottes coupées comme à l'école primaire et un contenant de bleuets pour notre collation. Ça passe totalement. Pas besoin d'apporter des fromages de luxe ou des maudites olives pas bonnes. Me voilà charmée par les carottes et je suis certaine qu'il n'a même pas pensé une seconde me séduire par sa coupe de légume.
Plus on parlait sous le parapluie lors des averses intermittentes, plus il était cute, plus le vin se vidait, plus il était cute, plus il faisait noir, plus il faisait froid, plus on se rapprochait, plus les gens désertaient le parc et plus j'avais envie de pipi. Prise par une envie urgente, je me suis levée de notre couverte pour la première fois depuis trois heures et j'ai réalisé que j'avais ben trop bu. La toilette était comme un vaisseau spatial. Sur le petit bâtiment rectangulaire de grosseur cabanon au milieu du parc se trouvait une grosse bande de lumière verte fluo qui devient rouge quand la toilette est utilisée. À l'intérieur, on se sent comme dans un OVNI ! Il y a de la musique spatiale et une voix qui te parle, qui te dit que tu as 20 minutes pour quitter et que la pièce au complet va s'autonettoyer après ton passage. L'expérience immersive intergalactique doit être proportionnelle au nombre de gorgées de vin, car moi j'ai trouvé ça extraordinaire ce soir là. Je suis retournée deux jours après et c'était comme ben ordinaire. Sur mon relevé Wise se trouvent genre 6 ou 7 transactions à 1 € ce soir là pour utiliser le vaisseau spatial.
De retour sur la couverte, j'avais juste envie de rapprocher mon sourire du sien pendant qu'il parlait. Ce que j'ai fait et qui a donné lieu à un échange délectable. Ce qu'il était beau pareil lui, avec son tan foncé, ses yeux noirs. Mais ce que j'aimais, c'était son nez. Drôle à dire. Comment dire... typiquement Moyen-Orient ! French-kisses et autres tralalas qui ont suivis se sont terminés abruptement quand j'ai réalisé que j'avais de la misère à me redresser dans pelouse sans avoir envie de tout dégueuler. Quand j'y repense, c'était pas élégant du tout de ma part d'avoir autant absorbé de vin lors d'une première date. Je l'ai regretté un peu. Il m'a ramenée à la maison en me tenant la main comme un vrai gentleman pendant que je répétais sans arrêt que j'allais vomir sur le trottoir. Bref, ben oui c'est donc comme ça que j'ai rencontré Buğra. Une histoire de carottes, de vaisseau spatial, d'attributs turques irrésistibles et d'état d'ébriété.
Depuis cette rencontre et dans les mois qui ont suivi, j'ai découvert en lui une personnalité colorée, des opinions intéressantes, des intérêts éclectiques, un talent notable en cuisine, beaucoup de courage et de maturité, des goûts diversifiés en musique et un désir d'ouvrir ses horizons. L'authenticité étant une qualité que je remarque, celui-là n'en manque pas. Fait comique, j'allais atteindre le chiffre magique de 50 first dates en Allemagne. J'aurai finalement arrêté de compter à 49, celui-ci ayant surpassé tout le monde et causé chez moi un désintérêt inconscient envers les apps jusqu'à mon départ. Faut le faire !
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Mes fenêtres qui donnaient sur la cour intérieure faisaient de cet appart un lieu sécuritaire et très tranquille.
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La petite cours intérieure partagée. Là où je rangeais mon vélo. C'est aussi là que se trouvait ma boîte à lettres. Je vérifiais son contenu à tous les jours, malgré que j'ai dû recevoir seulement 5 lettres dans toute ma vie à cette adresse.
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Ma rue. L'immeuble blanc derrière le gros arbre, c'est là que j'habitais.
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Ma rue Schirmerstraße. |
Je savais depuis le début que je repartais au Québec et mon futur en Allemagne étant incertain, je suis demeurée prudente dans cette aventure avec cette personne adorable qui aura marqué mes derniers mois. Mais si j'avais eu du temps et un plan, j'aurais bien aimé apprendre à le connaître et y faire attention.
La veille de mon départ, on est allés chercher des sushis, qu'on a mangé dans le salon en regardant Love is Blind (ou une niaiserie de même), une soirée plaisante et sans flafla, comme d'habitude, comme s'il y allait avoir d'autres soirées après celle-là. Sauf que ce soir là, tous mes bagages étaient prêts, les poubelles étaient sorties et l'appartement était vide de toute trace de mon passage. Il était redevenu exactement comme avant. Je quittais l'Allemagne dans 8 heures. J'ai bien dormi malgré le stress et j'aurais voulu rester bien plus longtemps au chaud dans ses bras ce matin là. Pour le reste, tout s'est passé très vite. J'ai laissé la clé sur la table et fermé la porte derrière moi sans regarder derrière. Mon appartement dans lequel j'ai passé de si beaux moments... J'avais zéro mais zéro zéro zéro envie de quitter la vie que j'avais construite ici en 825 jours. Maudit que j'avais pas envie ! Pourquoi ça doit s'arrêter, j'ai tout ici.
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Le petit resto de sushis.
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Il m'a accompagnée jusqu'à la gare et a attendu avec moi le train qui allait m'amener à Paris. Je nous revois à la gare de Düsseldorf, debout, collés très fort et entourés de bagages. Il m'embrassait les joues, le front, mes yeux mouillés, sans arrêt comme pour me donner une petite réserve d'affection. Et moi, ben je pleure en silence et j'ai le cœur qui bat fort. Mon prestigieux Eurostar rouge foncé est arrivé, ça y est. On a placé tout ça dans le porte bagage entre deux wagons. Je sais plus si c'était dans le train, sur la plateforme, un pied dans la porte du train ou tout ça en même temps, mais on s'est embrassé une dernière fois. Au son du sifflet, les portes de sont refermées. Il était là, de l'autre bord de la porte avec sa tuque bleue, il n'a pas bougé jusqu'à temps que le train se mette à rouler. À quoi pense-t-il ? Je sais pas, mais moi j'espère que j'aurai l'occasion de le revoir. Lors d'un au revoir, on ne sait vraiment jamais si c'est le dernier dernier. Je quitte en me disant qu'on ne se doit rien, je ne l'attendrai pas, il ne m'attendra pas. Pas si secrètement, j'espère que la vie fera en sorte qu'on se revoit, peu importe la situation dans lequel on sera. Date ou pas, c'est un humain extraordinaire, un peu bizarre et surtout unique. Cette aventure se termine au top, sans problème, sans ambiguïté, pour ne laisser que de bons souvenirs de ce gars et aucun regret. J'espère qu'il aura une bonne vie.
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Dans le 704 bondé, je prends la place de quatre personnes avec mon bagage chargé. |
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Juste avant que les portes du train ne se referment. Au revoiiiir Düsseldorf. |
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